Au 19ème siècle, l'émergence de la photographie a suscité de vives réactions dans le monde artistique, notamment parmi les écrivains et les peintres. Beaucoup d'entre eux ont exprimé un rejet catégorique de ce nouveau médium, refusant de l'assimiler à un art véritable. Cette controverse a marqué profondément le paysage culturel de l'époque.

La critique acerbe de Charles Baudelaire

Charles Baudelaire, figure emblématique de la poésie française, s'est montré particulièrement virulent dans sa critique de la photographie. Dans son essai "Le public moderne et la photographie" (1859), il exprime son mépris sans équivoque :"S'il est permis à la photographie de suppléer l'art dans quelques-unes de ses fonctions, elle l'aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait, grâce à l'alliance naturelle qu'elle trouvera dans la sottise de la multitude."Baudelaire va jusqu'à qualifier la photographie de "refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études." 
Il considère que cet "artifice indigne" menace l'essence même de l'art, en particulier la peinture.

Le mépris d'Alphonse de Lamartine

L'écrivain Alphonse de Lamartine a également exprimé son dédain pour la photographie, la qualifiant de :"Cette invention du hasard qui ne sera jamais un art, mais un plagiat de la nature par l'optique."

Nadar - Sarah Bernhardt 1864

L'opposition des peintres

Les peintres, se sentant directement menacés par cette nouvelle technique, ont également exprimé leur opposition. En 1862, un groupe de 26 artistes-peintres, dont le célèbre Ingres, a signé une "Protestation des grands artistes contre toute assimilation de la photographie à l'art". Cette action collective témoigne de la résistance du monde artistique traditionnel face à l'émergence de ce nouveau médium.

La position ambivalente d'Ingres

Paradoxalement, Ingres, bien qu'ayant signé la protestation, reconnaissait certaines qualités à la photographie. Il aurait déclaré :"C'est très beau la photographie... C'est très beau mais il ne faut pas le dire!" Cette citation illustre la complexité des sentiments des artistes de l'époque envers la photographie, mêlant fascination et rejet.

L'évolution des perceptions

Malgré ces critiques virulentes, les perceptions ont progressivement évolué. La photographie a commencé à s'affirmer comme un art à part entière vers la fin du siècle, avec l'émergence de mouvements comme le pictorialisme. Ce courant, privilégiant l'expression des sentiments plutôt qu'une vision nette de la réalité.
La photographie a aussi permit de remette en question les conceptions traditionnelles de la création artistique et participer à un total renouvellement de la peinture.